Comme nous l’avons vu, c’est en 1872 que la ville avait opté pour la construction d’un nouveau mode de transport sur la base du projet présenté par Frédéric de la Hault et par la Banque Française et Italienne. Ce projet proposait en fait l’installation de deux lignes de tramway hippomobile sur rails.
Inaugurée en février 1874, la première ligne relia la Jetée du Havre à la Barrière d’Or de Graville avec un premier tronçon desservant l’Hôtel de ville et la rue de Normandie (1er février) puis un second tronçon passant par la gare et le cours de la République (15 février). La mise en service de la première partie de cette ligne, le 1er février, suscita un tel engouement des Havrais qu’il fallut suspendre le trafic dans l’après-midi en raison d’une trop grande fatigue des chevaux.
La compagnie utilisait alors deux types de « cars » : les voitures avec une impériale d’une capacité de 46 personnes qui étaient tirées par deux chevaux et les voitures sans impériale tractées par un seul cheval, d’une capacité de 30 personnes (16 en intérieur et 14 sur les plates-formes). C’est ce dernier type qui fut retenu par la suite car les cars à impériale eurent tendance à dérailler dans les courbes. Et ce, à la grande satisfaction des défenseurs de l’omnibus hippomobile.
Deux autres lignes furent construites dans les années suivantes : la ligne Hôtel de ville/carreau de Sainte-Adresse entre 1875 et 1879 puis la ligne place Gambetta/Abattoirs en 1880.
En 1874, le réseau du Havre s’étendait sur 8,2 kilomètres. Il atteignit 14 kilomètres en 1877 et 16 kilomètres en 1880 dont 12,6 kilomètres de lignes payantes. Administré depuis 1876 par la Compagnie Générale Française de Tramways, filiale de la Banque Française et Italienne, le réseau du Havre se situait en seconde position derrière celui de Marseille en matière d’étendue mais sa rentabilité s’avérait par contre nettement supérieure.
Pour assurer son service, la compagnie disposait de 6 cars et de 34 chevaux en 1874. En 1877, elle utilisait 27 voitures et 116 chevaux regroupés dans ses garages et écuries de Graville et de Sainte-Adresse. Elle employait 82 personnes à cette date dont 21 cochers et 21 conducteurs. En 1886, six ans après la mise en œuvre d’une troisième ligne reliant la place Gambetta aux Abattoirs, sa « cavalerie » s’élevait à 185 chevaux tandis que son personnel comprenait 137 salariés : 34 cochers, 35 conducteurs, 21 palefreniers, 22 ouvriers d’entretien et 24 employés d’administration.
Comme le prévoyait la convention signée par la ville et la BFI, il n’y avait à l’époque aucun arrêt fixe. Le conducteur annonçait l’arrivée du « car » en soufflant dans une trompe et le cocher prenait en charge les clients « à la demande ». Il en était de même pour la descente puisque les passagers pouvaient faire stopper la voiture à l’endroit souhaité.
La mise en service du réseau de tramway sur rails permit aux usagers de voyager beaucoup plus confortablement puisque l’utilisation des rails évitait les cahots dus au mauvais état des rues. C’est ce qui explique que la fréquentation du réseau s’accrut considérablement : elle passa ainsi de 2 550 000 passagers en 1875 à 4 419 000 en 1885 et à 5 100 000 en 1893.
Grâce à la convention passée avec la BFI/CGFT en 1873, la ville du Havre tira un avantage substantiel de la mise en service du tramway sur rails puisqu’elle perçut de la compagnie une redevance fixée à 12 000 puis à 15 000 et 18 000 francs par an qui généra un bénéfice de 324 000 francs pour l’ensemble de la période 1874-1894.
Entre la ville et la CGFT, les relations commencèrent à se dégrader à partir des années 1886/1887 car la compagnie se refusa en effet à construire les nouvelles lignes réclamées par le maire Louis Brindeau ou à diminuer des tarifs qui interdisaient aux classes les plus pauvres d’utiliser le tramway sur rails. De même, on reprochait à la CGFT de n’offrir dans ses voitures que 8 places de 2ème classe alors que 22 places étaient réservées à la clientèle de la 1ère classe en intérieur ou sur les plates-formes situées à l’avant ou à l’arrière du car.
Après cinq années de conflit, la compagnie se résolut enfin à céder aux demandes formulées par la ville. Il est vrai que deux sociétés (la compagnie Burton et la compagnie Electro-Mécanique) avaient contribué à la reprise des pourparlers entre la ville et la CGFT puisqu’elles avaient proposé, dès 1891/1892, de reprendre la concession accordée à la Compagnie Générale Française des Tramways en 1873.
C’est ce qui explique que la CGFT reprit les négociations avec le maire du Havre en proposant, au début de l’année 1892, de construire de nouvelles lignes de tramway sur rails, de redistribuer plus équitablement les places de 1ère et de 2ème classe, d’augmenter la fréquence de rotation des cars, de diminuer les tarifs et de verser une indemnité plus élevée à la ville. Quelques mois plus tard, la CGFT alla encore plus loin en proposant à Louis Brindeau d’électrifier les lignes de tramway sur rails existantes ainsi que toutes les futures lignes mises en construction.
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